lundi 1 décembre 2025

Trois fois la colère - Laurine Roux

 

Au temps des croisades, un seigneur sanguinaire tient dans ses mains la destinée d’hommes et surtout de femmes qui utilisent tous les moyens possibles pour survivre à sa cruauté .

La rouerie de son épouse délaissée va lui donner, avec la complicité de la sage femme cupide, une fille qui fera sa fierté, puis sera l’instrument de la vengeance.

De beaux personnages plus ou moins secondaires, la jeune femme violée de la forêt maudite de Benevent,qui met au monde les triplés au centre de l’histoire, les moines de l’abbaye bénédictine, un prieur bienveillant et épris de justice qui lutte pour résister à ses pulsions humaines au nom de sa foi profonde, une belle captive maure qui s’attire la jalousie de la châtelaine, un moine franciscain plein d’humanité, une petite chèvre noire… Et quelques personnages de « méchants », un forgeron ermite qui devient l’âme damnée du seigneur et le complice de ses méfaits, le moine jaloux et sournois …

Les paysages des confins des Alpes font partie aussi des protagonistes de l’histoire.

Le style et le vocabulaire employé nous aide aussi à plonger dans cette époque moyenâgeuse certes, mais les questions abordées, l’amour, la justice, la soumission au plus fort, la quête d’identité … restent d’actualité.

                                                                                                                               Annick B



mardi 18 novembre 2025

La Maison Vide - Laurent Mauvignier

 Prix Goncourt 2025 

 

Laurent Mauvignier dit avoir porté ce récit en lui durant quarante ans et le livre fleuve qui en résulte apparaît effectivement comme la libération d’un flot profond et puissant, longtemps retenu, qui se déverse et nous emporte dans un souffle romanesque d’une ampleur hors du commun. Nous sommes là au sommet de l’art d’écrire et de raconter. Les phrases, qui s’étirent longuement dans de si subtiles nuances, disent tous les contrastes de la vie et des êtres humains, leurs combats pour vivre leurs désirs, leurs espoirs et leurs désespoirs.
La maison de famille, réouverte par le père et la tante de Laurent Mauvignier après vingt ans d’abandon, est vide de toutes les personnes qui y ont jadis vécu, qui y sont passées et qui ont marqué son histoire. Mais ces personnes ont laissé là des traces, matérielles et immatérielles, dont l’auteur va se saisir pour reconstruire le récit familial, en éclairer les zones d’ombre, affronter les drames intimes pour les révéler aux yeux de tous, et tenter ainsi d’apaiser les tourments des morts et des vivants : Laurent Mauvignier nous livre là, en décidant de se saisir et de donner forme, par le langage et les mots, aux ombres familiales, une remarquable œuvre de vie.
C’est principalement au travers des femmes de sa famille paternelle que le récit se structure au fil des pages, depuis sa trisaïeule, Jeanne-Marie, son arrière-grand-mère, Marie-Ernestine, et sa grand-mère, Marguerite, une lignée de femmes piégées et captives dès la naissance, ne pouvant échapper au pouvoir des hommes et au poids des conventions sociales. 
Pour autant, Laurent Mauvignier ne délaisse pas les hommes dans ses analyses, conscient des rôles sociaux qui leurs sont également assignés et des souffrances que ces archétypes peuvent ainsi engendrer. Ici les hommes, Jules, son arrière-grand-père, et André, son grand-père, sur lesquels plane la figure tutélaire et patriarcale du trisaïeul Firmin, font notamment l’expérience de leur condition, et de leur possible anéantissement physique et psychique, au travers des deux guerres mondiales. Les deux frères aînés de l’arrière-grand-mère Marie-Ernestine, personnages furtifs du début du récit, se soustraient à l’emprise familiale, l’un en rentrant dans les ordres, l’autre en choisissant une vie de célibataire et une activité considérée comme incompatible avec son genre : ils seront, pour ces raisons, déshérités. Le professeur de piano de Marie-Ernestine, captif, lui, de sa belle-famille pour des motifs matériels, ne pourra s’épanouir, ni artistiquement, ni amoureusement, et réapparaîtra régulièrement, malgré l’oubli de tous, jusqu’aux obsèques de son ancienne élève, comme le symbole d’un éternel remord.
Le drame intime central se noue autour des destins de Marie-Ernestine, surnommée Boule d’Or par son père Firmin, et de sa fille Marguerite, née de son mariage imposé avec Jules, des figures de sacrifiées sur l’autel des devoirs, qui survivent entre révolte intérieure et résignation, et les conduisent, aux bords de vertigineux précipices. 
Malgré ses sept cent quarante-trois pages, pas un instant le roman de Laurent Mauvignier, jusqu’à son bouleversant épilogue, ne perd son puissant souffle romanesque, sa détermination à sonder les corps et les âmes pour s’approcher au plus près de la vérité des êtres. A quelques rares reprises, volontairement, et de manière très ponctuelle, comme pour laisser subsister la part irréductible du mystère de l’autre, l’auteur indique qu’ici il n’ira pas plus loin dans la reconstruction. Ces moments de suspension, si beaux et si justes, s’insinuent notamment au moment du retour en permission de Jules, premier mari de Marie-Ernestine, en 1916, une permission de six jours durant lesquels la transfiguration des corps et des cœurs est décrite avec une rare subtilité, et aussi au moment du retour d’André, mari de Marguerite, à l’issue de la seconde guerre mondiale et des terrifiantes vengeances personnelles qui s’étaient alors exprimées au sein même de la population française.
Au travers de la remise en perspective méthodique de son histoire familiale, Laurent Mauvignier retisse les fils invisibles qui relient les violences subies par son arrière-grand-mère et sa grand-mère paternelles au suicide de son père. Car, oui, nous héritons aussi des violences subies ou perpétrées par nos aïeux. Et ce si beau travail de création littéraire, qui revêt une dimension universelle et ressuscite ce qui paraissait mort pour lui redonner du sens, en nous replaçant dans le mouvement de la vie, nous touche en plein cœur.
Une fois la lecture du livre achevée, une autre dimension se dessine, celle, au fond, avec le recul du temps, d’une possible rédemption, de tous les protagonistes de l’histoire, y comprise la figure de l’officier allemand ; protagonistes victimes de leur époque, de leurs milieux, de l’état de la société, des circonstances politiques et des guerres qui en ont résulté… L’écriture si merveilleusement nuancée de Laurent Mauvignier, qui décrit les fluctuations des états d’âme des personnages, permet de l’envisager. A cet égard, l’auteur fait aussi œuvre d’humanisme universel, et, par les temps qui courent, ce n’est pas le moindre de ses grands mérites.

Jean-Paul Vallecchia Calvino


mardi 26 mars 2024

Blackwater - Mickaël Mac Dowel

 L'auteur, Mickaël Mac Dowell, écrivain, scénariste, est décrit par Stefen king comme le meilleur auteur de "paperbacks originals".

Le premier tome, "La Crue" a été lauréat du prix Babélio étranger en 2022.

Saga romanesque, fantastique de six tomes : La Crue, La Digue, La Maison, La Fortune, La Pluie. Les couvertures sont superbement illustrées.

Il s'agit d'une saga familiale qui se poursuit sur les six tomes. Le premier, "La Crue" se déroule à Pâques 1919. Comme le titre l'indique, la rivière, La Perdido est en crue et submerge la petite ville du même nom dans le sud de l'Alabama. Les riches propriétaires, dont la famille Caskey, doivent faire face aux dégâts occasionnés par les inondations dans leurs scieries, les maisons. C'est alors qu'est découverte Elinor réfugiée dans un hôtel de la ville. Elinor, au passé trouble est mystérieuse, séduisante. Elle entretient avec les eaux obscures de la Perdido des relations étranges. Son dessein semble être de s'immiscer au coeur de la famille Caskey. Dès le début, elle entre en conflit avec sa belle -mère, la puissante Marie-Love qui dirige le clan. La saga familiale est riche en affrontements, en rebondissements. Se côtoient  amour et haine, disparitions inquiétantes, manigances, alliances contre-nature, surnaturel. les différents tomes traversent les années, évoquant la condition des personnes de couleur, les privilèges des nantis, la guerre, les faillites.... Une série pouvant être lue dès l'âge de 14 ans; Addictive ! Lue en une semaine...

En conclusion :

" Une Saga rare d'un auteur qui avait un talent fou pour faire du passionnant en restant simple, efficace. Un génie littéraire ? Probablement". Maxime Chattam.

                                                                                             Carole


mardi 5 mars 2024

La Sentence - Louise Erdrich

 

Prix Femina du roman étranger.

Ce roman étrange nous plonge dans les rapports difficiles des américains blancs et des amérindiens avec leurs diverses tribus et croyances, et tous les problèmes de racisme et d’intolérance. A travers la vie perturbée et tellement complexe de Tookie, qui ignore ou veut ignorer jusqu’à son vrai nom de naissance.

Drogue, prison, littérature et rites amérindiens, en passant par esprits et fantômes, ce roman nous fait naviguer avec des personnages qui se cherchent et essaient de construire leur vie, non sans difficultés et contradictions.
Une lecture parfois un peu compliquée, mais intéressante. Je le conseille, cela vaut le coup d’aller au bout.

Annick 

La traversée des lumières - Eric de Kermel

Des plaines de l’U.R.S.S. où il est né en passant par les plus grandes villes d’Europe, de la grâce de l’île de Brehat jusqu’aux paysages sublimes de l’Himalaya, le destin, hors normes, de Vadim brosse aussi celui du XXème siècle troublé.

Le meurtre de son père et sa passion pour les échecs vont le conduire à la gloire et à l’exil dans une quête éperdue de lui-même. Le mystérieux regard d’une femme l’amènera à découvrir les hautes lumières du Tibet, la vérité de la nature et le secret de son enfance.
Une quête qui nous fait voyager, nous interroge sur le mystère de la vie et l’importance fondamentale des liens humains et de la nature.
Belle lecture !

Annick 

Madame Perfecta - Antonine Maillet


Dans ce récit écrit sur le fil tendu de l’émotion, Antonine Maillet ravive la mémoire de celle qui a tenu la barre de sa maison durant vingt ans.
Les souvenirs du quotidien qu’elles ont partagés, dans le rire comme dans les larmes, se mêlent aux confidences peu à peu dévoilées de l’attachante espagnole.

Un bon moment de lecture.

Annick

Eden - Auour Ava Olafsdottir

 

Auteur islandaise, née à Reykjavik en 1958.

Roman traduit par Eric Boury

Alba voyage aux 4 coins du monde pour des colloques sur les langues en voie d’extinction. Professeur de langue, elle relit des œuvres littéraires pour une maison d’édition. Pour compenser l’empreinte carbone de ses nombreux voyages en avion, elle calcule qu’elle doit planter 5.600 arbres. Elle achète une grande parcelle de terrain, une maison et commence l’aventure, avec les réactions de son père et de sa sœur, les commentaires des gens du village et de son voisin éleveur de brebis.
Elle se lie d’amitié avec un jeune migrant doué en langue et prêt à absorber tout le dictionnaire…

Une ode aux mots, une façon de montrer qu’il est possible de déjouer les paradoxes de l’existence et de se réinventer.
Écriture souple passant facilement du coq à l’âne. Une découverte sympa !

                                                                                                                                                                                                                                       Annick